Semaine de travail à temps plein de 4 jours : est-ce possible ?
Avantages et inconvénients d’une semaine de travail de 4 jours
Un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée. Vivre plus après le travail. Plus de temps pour se détendre, reprendre des forces et améliorer les relations personnelles. L’idée de travailler cinq cinquièmes d’une semaine sur quatre jours de travail plus longs est séduisante pour de nombreuses raisons. Il s’avère que c’est le cas pour plus de 30 % des salariés. Ça a l’air bien. C’est faisable, pensent les partisans de cette idée. Mais est-ce aussi évident pour vous en tant qu’employeur ou indépendant(e) ? Et est-ce vraiment aussi bon pour le bien-être personnel qu’il n’y paraît ?
L’effet durable du coronavirus sur le lieu de travail
Le coronavirus a entraîné bon nombre de changements sur le lieu de travail. Certains d’entre eux sont toujours bien présents comme le télétravail. Dans quelle mesure ? Il n’y a pas de réponse type à cette question.
Les différences entre les secteurs, les entreprises et les fonctions sont importantes. Entre les secteurs où le télétravail est « exclu » (pour les tâches de production ou le secteur des soins par exemple) et ceux où le télétravail est « à envisager sérieusement » (pour certaines fonctions administratives et/ou missions freelance), les possibilités ne manquent pas.
C’est une solution idéale si vous pouvez vous-même opter pour celle-ci en tant que travailleur indépendant ou salarié. En misant sur le bonheur au travail et en accordant de l’attention aux besoins personnels, l’employeur dispose de plus de possibilités pour attirer et retenir des talents.
La semaine de travail de 4 jours a été lancée dans ce même contexte. Depuis le 21 novembre 2022, la plupart des travailleurs peuvent introduire une demande de travail à temps plein sur quatre jours de travail plus longs. Le gouvernement fédéral utilise cette possibilité pour lutter contre le burn-out et favoriser un travail agréable. Elle doit également inciter davantage de personnes à travailler à temps plein.
Les changements durables sont – et ce n’est pas le fruit du hasard – des changements bénéfiques pour toutes les parties concernées. C’est ce que l’on appelle des solutions win-win. Mais qu’en est-il exactement de la semaine de travail de 4 jours ? Qui en bénéficie ?
Analysez attentivement les avantages et les inconvénients avant de prendre une décision, recommande l’expert Frank Vander Sijpe, Director HR Research chez Securex. Cette formule comporte (encore pour l’instant) de nombreuses zones d’ombre.
Pourquoi une personne préférerait-elle travailler 4 jours plus longtemps plutôt que 5 jours moins longtemps ?
Frank Vander Sijpe, Securex : « Principalement pour disposer d’un jour de congé supplémentaire qu’elle peut affecter à sa guise, tout en restant occupée et rémunérée à temps plein. C’est intéressant pour les familles recomposées, par exemple. Les jours où ils ont la garde des enfants, ils sont entièrement disponibles pour eux et ne doivent pas les déposer à la garderie. Pour ne citer qu’un exemple. »
Un jour de congé supplémentaire permet également de faire du sport, de s’adonner à ses loisirs, de faire du bénévolat… Selon les préférences de chacun. Il peut prendre la forme d’un week-end prolongé, mais un jour de congé supplémentaire pendant la semaine offre également des possibilités.
En tant qu’employeur, pourquoi devrais-je accepter cette demande ?
Le législateur a prévu que les travailleurs qui le souhaitent peuvent demander à bénéficier d’une semaine de travail de 4 jours. En tant qu’employeur, vous pouvez l’autoriser ou le refuser. Vous n’êtes donc pas obligé(e) de l’accepter. En cas de refus, cependant, vous devrez présenter des contre-arguments. Par exemple : des problèmes potentiels pour la planification du travail ou le service clientèle.
Commençons par passer en revue les avantages d’une semaine de travail à temps plein plus courte pour l’employeur. Ceux-ci peuvent être résumés autour de 3 concepts clés :
- diminution du risque de burn-out et de l’absentéisme en réduisant la charge de travail et en créant un jour de congé supplémentaire.
- augmentation de la productivité et de la concentration, de sorte que les travailleurs prestent plus d’heures par jour de travail avec moins de distractions et d’interruptions. Leur motivation est plus élevée à la perspective du jour de congé supplémentaire.
- une meilleure image de l’employeur grâce à une plus grande attention portée au bien-être.
Parmi les salariés, la demande d'une plus grande flexibilité dans le travail est de plus en plus forte.
Un nombre croissant de ces salariés se voient également développer des activités indépendantes, éventuellement à titre complémentaire. Cette envie est particulièrement présente chez les jeunes. Une réponse positive à cette demande crée une situation win-win. Donnez-leur la possibilité de développer leur activité indépendante au sein de l’entreprise. Cela ouvre également la voie à d’autres collaborateurs flexibles.
Un travailleur qui a la possibilité de fournir des prestations « sur mesure » est pleinement motivé à donner le meilleur de lui-même. Ce qui est bénéfique pour l’employeur.
Et pour les indépendants ?
Les deux premiers avantages sont également applicables au professionnel indépendant. Pour prendre soin d’eux ou pour avoir la possibilité de travailler plus longtemps par jour de manière concentrée. Fermer votre magasin ou votre établissement horeca un jour de plus les jours générant moins de chiffre d’affaires vous permettra de réduire vos coûts d’énergie et de personnel.
En tant que conjoint et parent, il peut être positif pour vous de consacrer ainsi plus de temps à votre famille. De plus en plus d’indépendants et de titulaires de professions libérales prévoient une semaine de travail plus courte dans les contrats qu’ils concluent avec les employeurs.
La possibilité d’une semaine de travail à temps plein de 4 jours existe et suscite un vif intérêt. Mais dans la pratique, les choses n’évoluent pas si vite, car la plupart des demandes adressées aux employeurs sont refusées, pour diverses raisons.
« En moyenne, 1 travailleur sur 3 souhaite une semaine de travail de 4 jours, mais 7 demandes sur 10 sont refusées pour l’instant. »
Frank Vander Sijpe, Securex.
Pourquoi les employeurs refusent-ils autant de demandes ?
Frank Vander Sijpe : « Le professeur Stijn Baert, expert du marché du travail et économiste, effectue de nombreuses recherches à ce sujet. Il cite un exemple typique : Des objections pratiques s’interposent entre le rêve et la réalité. Et c’est vrai. Une objection majeure est que l’organisation du travail est compromise.
La planification du travail devient plus complexe. En particulier lorsque certains travailleurs choisissent la semaine de travail à temps plein de 4 jours et d’autres non, au sein d’équipes qui doivent (par exemple) assurer la permanence, ou d’équipes responsables du contact et du service clientèle.
Chaque travailleur peut prendre le jour de congé supplémentaire le jour de son choix. Cela complique encore la planification. Et que faire si les employés de l’entreprise peuvent choisir cette formule, mais pas les ouvriers ? Une absence pour cause de maladie pendant une journée de travail plus longue a également des conséquences plus lourdes. Etc. »
« La flexibilité de l’un est obtenue au détriment de l’autre. Cela n’améliore donc pas le bien-être de l’équipe. »
Frank Vander Sijpe, Securex.
Ceux qui travaillent quatre jours profitent-ils toujours des avantages ?
Frank Vander Sijpe : « Sur le plan personnel également, une semaine de travail plus courte n’est pas nécessairement synonyme d’un bien-être accru. Indépendamment du statut professionnel. De nombreux avantages souvent cités n’ont en fait pas encore été prouvés. Nous avons besoin de plus de faits et de chiffres. Les scientifiques mènent d’intenses recherches sur la question.
Il y a de fortes chances que le travail à temps plein sur 4 jours entraîne justement une augmentation de la charge de travail. Le jour de congé supplémentaire est-il suffisant pour la compenser ? Le risque de burn-out n’est-il pas plus élevé ? Qu’en est-il de la productivité après plus de 8 heures de travail, de la concentration, de l’attention nécessaire portée à la sécurité ? Êtes-vous suffisamment attentif(ve) sur la route en rentrant chez vous après 9 heures et demie de travail ?
Autant de questions qui restent pour l’instant sans réponse. Nous attendons les réponses avec impatience.
Bon à savoir : UGent@work propose aux entreprises qui ont introduit la semaine de 4 jours une enquête gratuite relative aux effets sur le bien-être, la productivité… »
« Les partisans n’y voient que des avantages. Cependant, il est préférable d’attendre que des études scientifiques viennent confirmer ces avantages – ou pas. »
Frank Vander Sijpe, Securex.
Le bien-être au travail demeure un point d’attention important
Frank Vander Sijpe : « Assurément. Le bien-être mérite beaucoup d’attention et les efforts nécessaires. Parce que miser sur le bonheur au travail est payant. Vous pouvez mesurer le niveau de bonheur au travail de votre équipe avec l’Indice Bien-être. Vous y découvrirez également comment améliorer la santé et la résilience de vos travailleurs.
Plus nous travaillons longtemps et plus l’âge des travailleurs augmente, plus il faut accorder d’attention au bien-être. De combien de temps de récupération un travailleur a-t-il besoin pour être à nouveau en forme pour la semaine de travail suivante ? Dans la plupart des cas, le temps nécessaire à cet effet augmente. »
En attendant, quelle est la meilleure manière d’envisager la semaine de travail de 4 jours ?
Frank Vander Sijpe : « Nous y voyons une possibilité de personnalisation. En règle générale, différents types de contrats de travail sont conclus. Soit c’est le même type de contrat pour tous les travailleurs (pour 38 h, par exemple). Soit il y a le choix, comme une sorte de menu. Mais une personnalisation est également possible.
C’est dans cette optique que vous pouvez autoriser personnellement la semaine de travail à temps plein de 4 jours comme une forme particulière de reconnaissance, comme une marque de compréhension à l’égard de la situation d’un travailleur, ou comme une solution à un problème. Et cela peut vous aider à attirer ou à retenir un talent.
Dans tous les cas, commencez par vérifier soigneusement si cette possibilité ne comporte pas d’inconvénients, si la fonction ne nécessite pas de permanence ou si le service clientèle n’en souffrira pas… Et n’oubliez pas : suivez attentivement le déroulement dans la pratique. Rien à signaler en ce qui concerne la productivité, l’attention, la sécurité, l’impact sur les autres, les résultats ? Notre conseil : « surveiller » et, si nécessaire, corriger. »