Même si les associés se concentrent souvent, à juste titre, sur les objectifs opérationnels de leur projet, la fondation est le moment idéal pour aussi penser tous les cas de figure, heureux ou moins heureux, de leur avenir. Une bonne préparation et prévision du fonctionnement d’une entreprise et des relations entre les actionnaires est utile : cela réduit la probabilité d’un conflit, et si un conflit survient malgré tout, les conséquences seront alors souvent moins destructrices de valeur, pour la société et ses actionnaires. L’arrivée du Code des Sociétés et des Associations a offert de nouvelles grandes possibilités pour la résolution de ce type de conflits. Dans ce contexte, l’évaluation des actions et la rédaction de bons statuts occupent une place centrale.
Évaluation des actions
Au moment d’évaluer les actions d’une PME en proie (ou non) à un conflit entre actionnaires, les approches d’évaluation ne diffèrent pas de celles appliquées aux sociétés en bourse. Mais les méthodes et paramètres sont bien entendu adaptés. Comme pour un immeuble, on peut évaluer les capitaux propres d’une société par le passé, le présent et/ou le futur.
Évaluation par le passé
Si évaluer un immeuble démoli après un incendie revient à déterminer le coût de sa reconstruction à neuf ou usage identique, déterminer la valeur des capitaux propres d’une société nécessite de déterminer si son actif net comptable doit être corrigé d’éléments non exprimés. Certains professionnels des chiffres sont habitués à de telles missions.
Évaluation par le présent
L’évaluation par le présent d’un immeuble se fait par points de comparaison : on détermine un bon indice et sa valeur que l’on l’applique à l’immeuble en perspective, avant de corriger le résultat pour tout élément spécifique. La démarche est similaire pour les capitaux propres d’une société : on la compare à d’autres au moyen d’un coefficient multiplicateur normalisé tel que l’EBIT ou l’EBITDA, avant de tenir compte des particularités. Des études (inter)nationales nous guident pour choisir les bons indicateurs et coefficients. Cette approche fait donc confiance au marché qu’elle adapte à la société analysée.
Évaluation par le futur
La principale méthode appliquée pour l’évaluation par le futur actualise les revenus futurs espérés pour la société : les DCF (« discounted cash flows »). Un parallèle avec les revenus futurs d’un immeuble est toujours pertinent : ils sont constitués de revenus locatifs, éventuellement majorés d’une plus-value lors de la revente. Pour une société, il s’agit d’actualiser les revenus futurs disponibles pour les actionnaires et d’y ajouter une valeur terminale, également fonction de la rentabilité future.
Il n’est pas évident de prévoir ces revenus futurs et parfois encore plus délicat de déterminer le coefficient d’actualisation, qui dépend de plusieurs facteurs. Le premier est le taux de rémunération d’un actif sans risque (comme un bon d’État), que l’on majore d’une prime de risque pour un investissement dans un portefeuille boursier diversifié. Il faut aussi tenir compte du niveau de risque lié au secteur d’activité, plus ou moins sensible aux évolutions économiques. Ensuite, on ajoute un facteur de taille dans le coefficient d’actualisation, car théorie et pratique montrent que les investisseurs exigent un niveau de rentabilité inversement proportionnel à la taille de la société.
Une fois les résultats des trois approches obtenus, il est utile d’effectuer une analyse de sensibilité pour déterminer une éventuelle convergence des résultats. L’application de décotes d’illiquidité ou de primes de contrôle peut alors être envisagée (éventuellement réservée au Tribunal lors d’un conflit judiciaire), avant que l’expert ne donne son avis final de la valeur des fonds propres de la société.
Rédaction des statuts
Dans les divers objectifs du Code des Sociétés et des Associations réside celui de conférer une plus grande souplesse au droit des sociétés et à la liberté des parties pour mettre en place un cadre structurel sociétaire sur mesure.
La rédaction des statuts (obligatoires) et du pacte d’actionnaires (non obligatoire mais désormais très courant) est l’occasion parfaite pour réfléchir à de nombreuses clauses, permettant soit de prévenir, soit de limiter les risques de différends et anticiper au mieux la résolution de ceux-ci.
Quelques exemples : clauses telles que des options d’achat et de vente d’actions dans des circonstances définies, octroi de droits complémentaires aux actionnaires minoritaires, engagements de vote et/ou de cession d’actions, mécanismes de règlement des conflits, etc.
Objectif : société sur mesure
À l’arrivée, une société « sur mesure » peut donc être établie par les auteurs d’un projet entrepreneurial, les règles supplétives constituant désormais la très grande majorité des dispositions légales. Cette liberté constitue cependant tant une opportunité qu’une contrainte. En effet, tout droit implique des obligations et donc du travail pour les actionnaires : il faut prendre connaissance des différentes options, sélectionner celles qu’ils estiment mieux leur convenir et les transposer dans les statuts qui seront adoptés.
Conclusion
Néanmoins, le jeu en vaut la chandelle. Tout professionnel confronté à la détresse d’un long conflit entre anciens partenaires sera en mesure de l’attester : au plus le projet aura été administrativement, juridiquement et économiquement préparé en amont, au plus la chance de sauvegarder les intérêts des parties impliquées en aval sera grande.
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