Puisque le transfert du personnel se produit automatiquement au cours d’un transfert conventionnel d’entreprise, les contrats de travail existants ne prennent pas fin par le fait de ce transfert[1] [2]. La Cour de Cassation a décidé dans son arrêt du 13 septembre 2010[3] que tous les contrats de travail existant à la date du transfert, sont transférés de plein droit au cessionnaire, du seul fait du transfert et cela, malgré la volonté contraire du cédant ou du cessionnaire. Les travailleurs sont appelés à exercer leur tâche habituelle auprès de l’entreprise cessionnaire.
Les droits requis sont garantis, rien de moins et rien de plus. La CCT 32bis ne fait pas naître en faveur du travailleur des droits qu’il n’avait pas avant le transfert[4]. L’objectif de la CCT32bis est d’empêcher que la situation existante du travailleur s’aggrave. Il ne peut pas être question que le travailleur obtienne le droit d’être mis à égalité avec ses nouveaux collègues qui ont des conditions plus avantageuses.
Sort des conditions de travail individuelles et collectives
Les conditions de travail doivent donc impérativement rester identiques, tant d’un point de vue individuel que collectif.
On entend par conditions individuelles de travail, les conditions liées au contrat de travail d'un travailleur pris individuellement. Le cessionnaire est tenu de respecter les droits des travailleurs tels que la rémunération, les éventuels avantages[5], ,les responsabilités du travailleur, la fonction[6] et les conditions de travail[7], l'ancienneté[8], le statut du travailleur[9], etc…
A l’inverse, les régimes complémentaires de prévoyance sociale (assurance groupe et fonds de pension) qui ne sont pas basés sur une convention collective de travail ne doivent pas être maintenus[10].
Les conditions collectives de travail à respecter peuvent avoir été fixées par :
- des conventions collectives de travail sectorielles ou d’entreprise ;
- les dispositions du règlement de travail de l’entreprise cédante qui sont considérées comme intégrées dans le contrat de travail ;
- l’usage en vigueur au sein de l’entreprise cédante.
Sur la base de la loi sur les conventions collectives de travail, l’entreprise cessionnaire est tenue de respecter les conventions collectives sectorielles et d’entreprise d’application dans l’entreprise cédante jusqu’à ce qu’elles cessent de produire leurs effets[11].
Par contre, les dispositions d’une CCT qui ont été incorporées automatiquement dans les contrats de travail, continuent à sortir leurs effets même après que ces CCT ont cessé de produire leurs effets. Ces dispositions incorporées dans les contrats de travail peuvent être modifiées ou supprimées uniquement par un accord entre travailleur et employeur ou par CCT d’entreprise. Cette possibilité donne au cessionnaire un moyen pour harmoniser les conditions de certaines catégories de travailleurs.
Quid en cas de changement de commission paritaire ?
Un problème se pose néanmoins lorsque le transfert entraîne une modification de la commission paritaire. La jurisprudence semble partagée sur le sujet. La position adoptée le plus souvent par la jurisprudence est la suivante[12] :
Sur la base des dispositions de la loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires[13], le nouvel employeur est tenu de respecter la CCT qui liait l'ancien employeur, jusqu'à ce qu'elle cesse de produire ses effets. Dans la situation où le cessionnaire appartient à une nouvelle commission paritaire, les conventions collectives du secteur auquel appartient le cédant cessent de s’appliquer du fait que le cessionnaire ne fait pas partie de la commission paritaire du cédant. D’autant plus que l’application d’une CCT sectorielle est, par définition, limitée aux employeurs et travailleurs qui ressortent sous la compétence d’une commission paritaire spécifique. Il en résulte que le cessionnaire n’est plus tenu de respecter les CCT sectorielles de la commission paritaire du cédant[14]. C’est la thèse suivie par la jurisprudence, la doctrine et le SPF Emploi, Travail et Concertation sociale.
Par ailleurs, il est clair qu’une entreprise ne peut ressortir que d’une seule commission paritaire pour une même catégorie de travailleurs.
La situation est différente pour les conventions collectives d’entreprise : une convention collective d’entreprise est d’application à une seule ou plusieurs entreprises, et pas à un secteur. Dans ce contexte, le nouvel employeur est subrogé dans les droits de l’ancien employeur. Ainsi, il doit respecter les dispositions de la convention d’entreprise jusqu’à ce que cette convention prenne fin ou soit remplacée par une nouvelle convention d’entreprise qui traite la même matière.
Un sort différent est également réservé aux dispositions d’une convention collective qui se sont intégrées dans le contrat de travail : elles continuent à produire leurs effets jusqu’à ce que les parties conviennent d’un nouvel accord ou au moment où une nouvelle convention d’entreprise remplace la convention d’entreprise en question.
[1] Voir Cour du travail de Mons du 25 novembre 1993, J.T.T.1994, 257.
[2] Il existe par ailleurs une forme de protection contre le licenciement en cas de transfert d’entreprise (Voir Conséquences du transfert – 3. Protection contre le licenciement).
[3] Voir arrêt de la Cour de cassation du 13 septembre 2010, J.T.T2010 , 438.
[4] Voir Cour de Travail de Bruxelles 9 février 2007, cité dans Nicholas Thoelen, conventionele overgang van ondernemingen, Brussel, Larcier, 2015, p.115.
[5] A contrario, les avantages en argent qui, avant le transfert d’entreprise, avaient été accordés, non par le cédant mais par un tiers ne peuvent constituer des obligations pour l’employeur cessionnaire (Cass. 9 janvier 2006, J.T.T.2006,181).
[6] Voir arrêt de la Tribunal du travail de Bruxelles du 12 mai 2005, Chron.S.2006,387.
[7] Le Tribunal du travail de Liège du 23 janvier 2008, J.L.M.B 2010,660 considère qu’une clause d’essai contenue dans un contrat suite à une reprise d’entreprise est manifestement nulle. Un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 24 juin 2008, J.T.T 2008, 469, décide quant à lui qu’un contrat de travail à durée indéterminée ne peut être remplacé par un contrat de travail à durée déterminée au moment du transfert.
[8] Attention, dans ce cas, l’ONSS et le fisc considèrent qu’en cas de prime d’ancienneté qui fait suite à un transfert conventionnel d’entreprise, l’exonération de ces primes ne doit pas être appliquée si ce transfert n’a pas été effectué au sein d’un même groupe.
[9] Voir arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 17 novembre 1992, Chron.S. 1995,33.
[10] Voir jugement du Tribunal du travail de Liège du 18 mai 1993, Chron.S. 1995,343, dans lequel il est également précisé que le travailleur ne peut renoncer au maintien de son ancienneté garantie par la CCT 32bis en cas de transfert d’entreprise.
[11] Voir arrêt de la CJCE du 9 mars 2006, C-499/04.
[12] Voir arrêt de la Cour de cassation du 31 mars 2003 J.T.T 2003, 321.
[13] Loi du 5 cécembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires (Moniteur belge du 15.1.1969)
[14] Nicholas Thoelen, o.c. p 135.