Quelles entreprises devront mettre en place un canal de signalement interne ?
Toutes les entités juridiques du secteur privé comptant 50 travailleurs ou plus doivent mettre en place un canal de signalement interne :
- Les entités juridiques comptant entre 50 et moins de 250 travailleurs ont jusqu'au 17 décembre 2023 pour le faire, ce moment s'approche vite
- Les entités comptant 250 travailleurs ou plus devraient déjà mettre tout en place pour le 15 février 2023
Qu'est-ce qu'une entité juridique dans le secteur privé ?
La loi définit une entité juridique dans le secteur privé comme toute organisation dotée ou non de personnalité juridique qui exerce une ou plusieurs activités déterminées. La loi ne s'applique pas aux organisations qui relèvent d'autres réglementations en matière de lanceurs d’alerte.
Comment devez-vous calculer le nombre de travailleurs ?
La nécessité ou non de mettre en place un canal de signalement interne dans votre entreprise, et le moment où vous devez le faire, dépendent donc du nombre de travailleurs. C’est la raison pour laquelle la loi précise la manière de le calculer. Vous devez faire ce calcul de la même manière que pour les élections sociales.
Il faut donc calculer un nombre moyen de travailleurs par entité juridique au cours d'une période commençant le 1er octobre de l'année qui tombe deux ans avant les élections sociales et se terminant le 30 septembre de l'année précédant les élections sociales. Actuellement c'est donc la période qui a couru du 1er octobre 2022 jusqu'au 30 septembre 2023.
Qui peut utiliser le canal de signalement interne ?
Le canal de signalement interne doit être ouvert au moins aux travailleurs de votre entité juridique.
Par ailleurs, en tant qu'employeur, vous pouvez également décider d'ouvrir le canal de signalement interne à d'autres personnes. Il s'agit plus particulièrement des personnes suivantes qui sont également protégées contre les représailles après un signalement, si elles sont liées à votre entreprise :
- Indépendants
- Actionnaires
- Membres de l’organe d’administration
- Toute personne travaillant sous la supervision et la direction de contractants, de sous-traitants et de fournisseurs
- Y compris les anciens et futurs travailleurs, indépendants...
Comment mettre en place un canal de signalement interne ?
Pour mettre en place un canal de signalement interne au sein de votre entreprise, vous devez suivre une procédure spécifique. Cependant, vous n'êtes pas obligé de désigner des personnes ou un département de votre entreprise pour gérer et contrôler le canal de signalement interne. Vous pouvez confier la gestion et le suivi à un tiers.
Pour mettre en place un canal de signalement interne, vous devez suivre les trois étapes suivantes :
1. Concertation avec les partenaires sociaux
Si vous devez mettre en place un canal de signalement interne, vous devez le faire en concertation avec la représentation du personnel au conseil d’entreprise de votre société.
Les employeurs de moins de 100 travailleurs, qui devront mettre en place un canal de signalement interne à partir du 17 décembre 2023, effectueront cette consultation au sein du comité pour la prévention et la protection au travail.
Vous ne pouvez pas confier cette étape à un tiers.
2. Désigner une personne indépendante en charge
Vous devez désigner une personne responsable qui peut travailler en toute indépendance dans votre entreprise. Il peut s'agir d'une ou plusieurs personnes ou d'un département de votre entreprise. Vous pouvez même choisir de confier la réception et le suivi des signalements à différentes personnes ou à des départements distincts.
Pour traiter correctement les signalements, le responsable doit être capable de travailler de manière suffisamment autonome. Il est donc préférable de nommer une personne capable de travailler de manière autonome, comme le responsable des RH, le chef de Compliance, un juriste d'entreprise,...
Vous pouvez confier cette étape à un tiers.
3. Effectivement mettre en place le canal
Enfin, vous devez mettre en place le canal de signalement interne. Vos travailleurs doivent en effet être en mesure de signaler efficacement les infractions.
Il est également important que vous sécurisiez de manière adéquate l'accès au canal. Seules les personnes autorisées doivent y avoir accès. L'identité du lanceur d’alerte et de tout tiers nommé doivent rester confidentielles.
Vous pouvez choisir de créer, par exemple, une adresse électronique ou un numéro de téléphone spécifique pour traiter les signalements. Les signalements peuvent arriver 24 heures sur 24. Il est donc préférable de travailler avec un répondeur si vous donnez à vos travailleurs la possibilité de recevoir des signalements par téléphone.
Vous pouvez également offrir la possibilité de prendre un rendez-vous physique. La personne en question devrait alors obtenir un rendez-vous dans un délai relativement court.
Vous pouvez également confier cette étape à un tiers.
Comment devez-vous assurer le suivi des signalements ?
Si le suivi des signalements est géré au sein de votre entreprise, le responsable doit répondre de manière appropriée lorsqu'un signalement lui parvient.
La personne chargée de recevoir un signalement doit envoyer un accusé de réception dans un délai de sept jours civils.
Ensuite, le responsable doit investiguer le signalement. Le responsable peut prendre des mesures dans le cadre de l'enquête (préliminaire) pour vérifier l'exactitude, et résoudre le problème si nécessaire.
Après trois mois, le lanceur d’alerte doit recevoir un retour d'information sur son signalement. Ce document doit comprendre un résumé des mesures prises. Cependant, le lanceur d’alerte n'a pas ‘droit’ à un résultat positif après le signalement.
Les entreprises de plus de 250 travailleurs doivent également traiter les signalements anonymes. La personne responsable doit alors suivre la même procédure. Dans ce cas, bien entendu, le retour d'information ne peut pas toujours être fourni. Cette règle ne s'applique donc pas aux entrprises qui devront établir un canal de signalement interne le 17 décembre 2023.
Signalement externes et divulgation
Les personnes souhaitant signaler des violations ne doivent pas d'abord passer par le canal de signalement interne. Ils peuvent également utiliser immédiatement le canal de signalement externe. Actuellement, le médiateur fédéral est responsable de cette voie de communication externe.
Les personnes qui signalent des infractions au canal de signalement externe sont également protégées contre les représailles. Ils sont protégés de la même manière que les personnes utilisant le canal de signalement interne.
En tant qu'entreprise devant établir un canal de signalement interne, vous devez également communiquer des informations sur ce canal de signalement externe à vos travailleurs. Vous pouvez le faire par le biais d'une policy, par exemple.
Les personnes peuvent également choisir de rendre certaines informations publiques immédiatement, ou après un signalement, par le biais de la presse, par exemple.
Dans ce cas, le lanceur d’alerte n'est généralement pas protégé contre les représailles. Il n'est alors protégé que s'il craint que des preuves soient retenues ou s'il existe une menace pour l'intérêt public.
De quelle réglementation peut-on signaler des infractions ?
Les signalements relatifs aux règlementations suivantes peuvent être effectués par le biais des canaux de signalement internes et externes :
- Règlementation concernant les marchés publics
- Règlementation concernant les services, produits et marchés financiers et prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme
- Règlementation concernant la sécurité et la conformité des produits
- Règlementation concernant la sécurité des transports
- Règlementation concernant la protection de l’environnement
- Règlementation concernant la radioprotection et la sûreté nucléaire
- Règlementation concernant la sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale, santé et bien-être des animaux
- Règlementation concernant la santé publique
- Règlementation concernant la protection des consommateurs
- Règlementation concernant la protection de la vie privée et des données à caractère personnel, et sécurité des réseaux et des systèmes d’information
- Règlementation concernant la lutte contre la fraude fiscale
- Règlementation concernant la lutte contre la fraude sociale
- Règlementation concernant les infractions aux intérêts financiers et au marché intérieur de l'UE
Les lanceurs d’alerte sont protégés contre les représailles
Lorsque des travailleurs ou d'autres personnes protégées signalent certaines infractions, ils sont protégés contre les représailles. Ceci s'applique à la fois aux rapports par les canaux internes et externes.
Dans certains cas, cette protection s'applique également aux divulgations via, par exemple, la presse. C'est le cas si le lanceur d’alerte craint que des preuves ne soient retenues, ou s'il existe une menace pour l'intérêt public.
Quelles représailles ?
Les représailles suivantes ne peuvent être exercées à l'encontre des personnes ayant signalé des infractions :
- Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes
- Rétrogradation ou refus de promotion
- Transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail
- Suspension de la formation
- Évaluation de performance ou attestation de travail négative
- Mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière
- Coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme
- Discrimination, traitement désavantageux ou injuste
- Non-conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent
- Non-renouvellement ou résiliation anticipée d’un contrat de travail temporaire
- Préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou les pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu
- Mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir au niveau du secteur ou de la branche d’activité
- Résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services
- Annulation d’une licence ou d’un permis
- Orientation vers un traitement psychiatrique ou médical
Charge de la preuve et indemnité
Prenez-vous néanmoins l'une de ces mesures et la personne concernée peut-elle démontrer qu'elle a effectué un signalement par une voie interne ou autre ? Vous devez alors pouvoir démontrer que la mesure prise n’est pas liée au signalement.
Vous n’êtes pas en mesure de fournir cette preuve ? Le travailleur a alors droit à une indemnité égale à 18 à 26 semaines de salaire.
Si le travailleur a fait un signalement concernant du blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme et que des représailles s'ensuivent, il a automatiquement droit à une indemnité égale à 26 semaines de salaire. Le travailleur pourrait aussi demander à être réintégré dans l'entreprise.
Prenez-vous des représailles à l'encontre d’un non-travailleur, comme un travailleur indépendant ? Ils peuvent alors également se tourner vers le tribunal du travail, auprès duquel ils doivent prouver leurs dommages réels. Ils peuvent alors être indemnisés pour ces dommages.
Quelles sont les sanctions possibles ?
Tant les entités juridiques que les lanceurs d’alerte peuvent être sanctionnés dans certains cas. La sanction varie pour chaque infraction.
Un canal de signalement efficace et bien géré est essentiel pour toute organisation. L’Union européenne renforce sa législation en matière d’environnement, de social et de gouvernance (la réglementation ESG). La protection des lanceurs d’alerte en fait partie intégrante. En mettant en place le canal de signalement dès maintenant, vous évitez les risques de sanctions et vous préparez votre entreprise pour le futur.
Vous n'avez pas mis en place le canal de signalement interne à temps
Si, en tant que employeur, vous ne mettez pas en place le canal de signalement interne à temps, vous risquez une sanction de niveau 4. Vous risquez également cette sanction si vous n'enregistrez pas correctement les signalements ou si vous ne respectez pas les règles relatives aux signalements.
Vous empêchez l'établissement des signalements
Si, en tant qu'employeur, vous commettez l'une des infractions suivantes :
- Obstruction au signalement ou tentative d'obstruction
- Exercer des représailles contre les personnes protégées
- Intenter des poursuites inutiles ou vexatoires contre les personnes protégées
- Violation du devoir de confidentialité - identité des rapporteurs
Vous risquez alors une peine de prison de six mois à trois ans ou une amende de 600 à 6 000 euros.
Le lanceur d’alerte dépose un signalement incorrect
Un lanceur d’alerte qui aurait dû savoir que son rapport était incorrect peut également être sanctionné. Le fait qu'un lanceur d’alerte aurait dû ou non savoir si le rapport était correct dépend, entre autres, de sa formation et de ses connaissances.
Si la personne concernée a signalé ou diffusé de fausses informations, elle risque une sanction en vertu des articles 443 à 450 du Code pénal. Ces personnes peuvent également être condamnées à verser des dommages et intérêts si leur déclaration ou leur divulgation a causé un préjudice.
Que fait Securex pour vous ?
Vous avez encore des questions sur les nouvelles règles des lanceurs d’alerte ? Si c'est le cas, veuillez contacter nos consultants à l'adresse consultinglegal@securex.be. Ils peuvent également vous aider à rédiger une policy.
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