La CCT n° 38 précise dans son code de bonne conduite qu'il est, en principe, interdit à l’employeur de poser des questions sur la vie privée du candidat sauf si ces données sont pertinentes en raison de la nature et des conditions d’exercice de la fonction.
La notion de "donnée relative à la vie privée" est très large et englobe tant les nom et prénoms du candidat, que son état de santé, ses convictions politiques, philosophiques ou religieuses, son passé professionnel ou encore des données judiciaires le concernant.
Comme nous le verrons plus loin, certaines informations relatives à la vie privée du candidat sont particulièrement sensibles et font l’objet d’une protection particulière dans la loi du 30 juillet 2018, dite loi RGPD.
Si la question est pertinente, le candidat est tenu de répondre de manière sincère, correcte et complète et ce, en vertu du principe de collaboration de bonne foi. Lorsque le travailleur a été engagé mais qu'il s'avère que le travailleur a caché (spontanément ou non) certaines informations pertinentes, l'employeur pourra invoquer la nullité du contrat pour dol.
Si la question n'est pas pertinente et ne se justifie donc pas, le candidat a le droit de refuser de répondre ou de donner une réponse incorrecte sans être coupable d'aucun manquement à l'obligation de collaborer de bonne foi.
Grossesse
Poser la question à la candidate de savoir si elle est enceinte peut se justifier si la fonction comporte un risque pour la mère et/ou l’enfant. Inversement, la candidate ne doit signaler spontanément une grossesse que dans ces mêmes circonstances. Dans tous les autres cas, la candidate peut non seulement taire la grossesse mais également mentir à ce sujet en raison du caractère illicite de la question.
Etat de santé
En ce qui concerne l'état de santé du candidat, l'employeur ne peut soulever la question que si la nature et/ou les conditions d'exercice de la fonction peuvent entraîner de façon certaine un danger pour la santé et la sécurité du travailleur, de ses collègues et de tiers. L'employeur ne peut donc, de manière générale, exiger du candidat la production d'un certificat d'aptitude.
De façon générale, il est préférable que tout traitement de données relatives à la santé soit effectué sous la responsabilité d’un professionnel de la santé.
Lisez également la réponse à la question "L'employeur peut-il effectuer des tests et examens médicaux ?".
Origine raciale ou ethnique, appartenance syndicale et orientation sexuelle
Ce type d’informations est protégé par l’article 34, § 1 de la loi RGPD. Ces informations ne peuvent être collectées par l’employeur, sauf dans deux hypothèses :
- Traitement nécessaire aux droits et obligations du responsable du traitement en matière de droit du travail
- Consentement écrit du candidat (s’il y va de son intérêt)
Attention, le consentement du candidat ne pourrait pas autoriser un traitement qui ne respecterait pas la condition de licéité, prévue par la loi Vie Privée. Dès lors, étant donné que ce type d’information est assez sensible au niveau de la législation anti-discrimination, il faut être attentif à ne pas faire de traitement discriminatoire entre des candidats sur la base de ce type de données.
Opinions politiques, religieuses ou philosophiques
L'employeur ne peut normalement pas non plus poser de questions relatives aux opinions politiques, religieuses ou philosophiques au candidat (visées également par l’article 34, § 1 de la loi RGPD).
Toutefois, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination pose le principe en vertu duquel une entreprise dite "de tendance" peut justifier, dans le cadre du recrutement, une différence de traitement sur la base des convictions religieuses, politiques ou philosophiques du candidat si la loyauté du candidat à l’éthique de l’entreprise est une condition essentielle pour l’exercice de la fonction. Ainsi par exemple, une école catholique qui voudrait engager un professeur de religion pourrait s’enquérir des convictions religieuses du candidat.. Ne sont par contre pas considérées comme pertinentes les questions politiques, religieuses ou philosophiques lorsque l'emploi sollicité est une fonction d'exécution ne requérant aucun engagement idéologique du futur travailleur.
Antécédents judiciaires
En ce qui concerne les questions relatives aux antécédents judiciaires et la demande par l'employeur d'un extrait de casier judiciaire (anciennement appelé "certificat de bonne vie et mœurs"), la question est délicate.
En effet, d’une part la loi Vie Privée interdit le "traitement de données à caractère personnel relatives à des litiges soumis aux cours et tribunaux ainsi qu’aux juridictions administratives, à des suspicions, des poursuites ou condamnations ayant trait à des infractions ou à des sanctions administratives ou des mesures de sûreté" [1]. Mais d’autre part, si ces données sont pertinentes en raison de la nature et des conditions d’exercice de la fonction, la CCT n° 38 semble autoriser l’employeur à pouvoir prendre connaissance d’un extrait de casier judiciaire.
Nous verrons ci-dessous que dans certaines hypothèses, l’employeur est autorisé à exiger la production d’un extrait de casier judiciaire.
Dans tous les autres cas, la question reste délicate.
Hypothèses particulières
Dans certains cas, la production d’un extrait de casier judiciaire est obligatoire. Il s’agit des activités dont les conditions d’accès sont définies par des dispositions légales ou réglementaires et également des activités qui mentionnent un contact avec des mineurs.
C'est notamment le cas si l'employeur veut s'assurer d'une absence de fait de mœurs pour une fonction d'éducation à la jeunesse, d'une absence de condamnation pénale au code de la route pour une fonction de chauffeur de taxi ou encore d’une absence de condamnation en matière financière pour une fonction de responsable commercial dans une banque.
Dans ce cas, les seules mentions qui figureront sur l’extrait de casier judiciaire seront celles qui sont en lien direct avec le poste à pourvoir.
En pratique, mieux vaut exiger la production de l’extrait de casier judiciaire avant d'engager le travailleur ou insérer dans le contrat une condition résolutoire selon laquelle le contrat prend automatiquement fin si l’extrait de casier judiciaire n'est pas remis dans un certain délai ou s’il révèle un passé judiciaire incompatible avec la fonction. Pour rédiger ce type de clause, vous pouvez faire appel à votre legal advisor.
Application du principe de la CCT n° 38
En dehors des hypothèses mentionnées ci-dessus, il peut arriver que l’employeur souhaite néanmoins prendre connaissance de l’extrait de casier judiciaire du candidat, parce qu’il estime que ces données sont pertinentes vu la nature et les conditions d’exercice de la fonction vacante [2].
Bien qu’il faille rester prudent dans cette matière, on pourrait envisager que l’employeur soit autorisé dans ce cas à prendre connaissance de l’extrait de casier judiciaire du candidat, à condition qu’il puisse effectivement justifier du caractère pertinent de ce type de données par rapport au poste à pourvoir. Dans cette hypothèse, l’employeur pourrait donc demander (mais pas exiger) au candidat la production de l’extrait de casier judiciaire. Si le candidat accepte de le lui présenter, l'employeur ne pourra alors que le lire et non pas le conserver. En effet, la loi Vie Privée n'interdit que le "traitement" (et non la lecture) de données à caractère personnel relatives à des condamnations ayant trait à des infractions [3].
[1] Article 8 de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel.
[2] Article 11 de la CCT n° 38 conclue au sein du Conseil National du Travail.
[3] Avis n° 08/2002 du 11 février 2002. Vous pouvez lire celui-ci sur le site web de l’Autorité de Protection des Données anciennement Commission Vie Privée (www.autoriteprotectiondonnees.be). Cet avis a été rédigé à l'attention des sociétés privées d'interim. Il peut cependant être transposé dans votre pratique quotidienne de recrutement.