Un système track & trace était installé dans le véhicule de fonction du travailleur, ce qui a permis à l’employeur de constater une fraude au pointage.
Pas de législation spécifique
À ce jour, aucune législation ne régit expressément la question de l’admissibilité d’un système track & trace. D’autres dénominations comme géoréférencement, black boxes, système de navigation, monitoring via GPS... font par ailleurs référence à cette technologie.
De là à dire que vous pouvez utiliser comme bon vous semble un système que vous avez baptisé d’un joli nom, rien n’est moins vrai. Voici quelques clarifications.
La géolocalisation est néanmoins soumise à des dispositions contraignantes
Lorsque les travailleurs exécutent leur travail ailleurs que sur le lieu de travail habituel, il n’est pas illogique que l’employeur veuille savoir ce qu’ils font. Pour avoir davantage de contrôle, l’employeur peut installer un système de géolocalisation dans les véhicules de fonction de ses travailleurs.
Actuellement, aucune législation ne régit la géolocalisation des travailleurs par l’employeur, mais il n’empêche qu’un tel système doit satisfaire aux dispositions strictes de l’utilisation et de la protection des données à caractère personnel, connues sous le nom de General Data Protection Regulation (GDPR) ou Règlement général sur la protection des données (RGPD).
L’APD a émis un avis dont il convient de tenir compte lors de l’introduction d’un système de géolocalisation dans l’entreprise. Quatre principes fondamentaux doivent être respectés : la légalité, la légitimité, la proportionnalité et la transparence.
Pour en savoir plus sur le sujet, vous pouvez consulter notre dossier RGPD et protection des données à caractère personnel sous le thème "Obligations de l’employeur".
Quels sont les quatre principes fondamentaux ?
1.Le principe de légalité
Il est indispensable d’intégrer les principes et modalités d'un contrôle de géolocalisation dans un règlement spécifique formulé de manière claire et suffisamment accessible.
Ces règles devront être prises en concertation avec les travailleurs et, le cas échéant, après l’avis de l’organe de concertation (conseil d’entreprise, comité pour la prévention et la protection au travail, délégation syndicale). La politique de géolocalisation devra notamment préciser les finalités du contrôle et la fréquence du contrôle de manière claire et explicite.
Une simple mention de l’existence d’un système track & trace au règlement de travail, sans plus de détails sur les modalités de ce contrôle, n’est donc pas suffisante. Mieux vaut donc rédiger un règlement pour votre entreprise. Securex peut vous y aider.
Vous souhaitez rédiger un règlement relatif à la localisation de vos travailleurs mobiles via le système de navigation GPS ? Vous trouverez un modèle dans l’e-Shop Securex. Vous souhaitez de l’aide pour finaliser votre règlement ? N’hésitez pas à contacter votre Securex Legal Advisor à l’adresse myHR@securex.be.
2. Le principe de légitimité
Le but dans lequel un contrôle par géolocalisation est effectué doit pouvoir justifier une intrusion dans la vie privée du travailleur.
Parmi les buts qui peuvent être considérés comme légitimes, nous pouvons citer :
- La sécurité du travailleur
- La protection du véhicule de service
- L’optimisation de la gestion des déplacements professionnels (vendeurs, techniciens, chauffeurs de taxi)
- Le contrôle des prestations du travailleur
3. Le principe de proportionnalité
Si le système est installé en vue de contrôler l’exécution des missions confiées aux travailleurs, ce contrôle doit :
- Être ponctuel
- Et justifié par des indices faisant soupçonner des abus de la part de certains travailleurs
Un contrôle permanent, avec lecture systématique des données enregistrées par le système de localisation, doit en principe être considéré comme disproportionné.
Il existe néanmoins certaines situations dans lesquelles un contrôle plus régulier pourrait être justifié s’il est directement lié à la nature des tâches à accomplir par le travailleur ou pour optimiser la gestion des déplacements de véhicules professionnels (vendeurs, techniciens de terrain).
Même dans ce cas, les véhicules ne peuvent pas être suivis de manière continue. Le système doit en tout état de cause pouvoir être désactivé lorsque le travailleur utilise le véhicule en dehors des heures de travail.
Dans la mesure où un système de géolocalisation inclut la surveillance des données des travailleurs, une analyse d’impact relative à la protection des données (AIPD) ou data protection impact assessment (DPIA) est vivement recommandée.
Un guide d’analyse d’impact relative à la protection des données est disponible sur le site Internet de l’Autorité de protection des données. Vous souhaitez de l’aide pour effectuer cette analyse ? Contactez votre Legal Advisor à l’adresse suivante : myHR@securex.be.
4. Le principe de transparence
Aux termes du RGPD, le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que moyennant le consentement univoque de la personne concernée ou lorsque ce traitement est nécessaire à l’exécution du contrat auquel la personne est partie.
En matière de relation de travail, la géolocalisation est considérée comme une pratique légitime et nécessaire à l’activité de l’entreprise. Ainsi, l’accord du travailleur n’est pas requis.
Par contre, dans tous les autres cas (par exemple, pour des travailleurs itinérants), il faudra obtenir l’accord du travailleur sur l’installation du système de géolocalisation. Ce consentement doit être donné par écrit (par exemple, par la signature du règlement relatif à la localisation des travailleurs mobiles via le système de navigation GPS).
L’employeur est tenu de communiquer préalablement les informations suivantes :
- La base légale du traitement des données (en cas de géolocalisation, il s’agira vraisemblablement de l’intérêt légitime de l’entreprise ou de tiers)
- Qui fait l’objet du contrôle
- La mesure dans laquelle il y a un contrôle
- Les objectifs poursuivis par le contrôle
- La nature des abus qui peuvent mener à un contrôle
- La durée du contrôle
- Les données traitées si les données sont envoyées en dehors de l’Union européenne
- Quels sont les droits du travailleur, notamment le droit de consulter les données, le droit d’introduire une réclamation auprès de l’APD, le droit de limiter le traitement des données...
- La procédure qui sera suivie après le contrôle.
Vous êtes en règle par rapport à ces quatre principes de base ? Faites vous-même le test
Imaginons que votre entreprise envoie des techniciens pour effectuer des réparations à domicile de lave-vaisselle, de machines à lessiver, de séchoirs, etc. Vous voulez mettre un système de géolocalisation en place. Respectez-vous les principes que nous avons exposés ci-dessus ? Faites le test !
Première vérification : votre système est-il légal ?
Avant de mettre le système de géolocalisation en place, veillez à rédiger un règlement interne solide. Faites-le signer par tous les travailleurs concernés par le système.
Deuxième vérification : utilisez-vous ce système à des fins légitimes ?
Une gestion optimale des déplacements des techniciens peut être un objectif (par exemple : à quel technicien puis-je confier une réparation urgente non programmée ?). Vous pouvez également contrôler les prestations de votre travailleur, mais vous devez alors veiller à respecter scrupuleusement les principes de proportionnalité et de transparence.
Troisième vérification : vos contrôles ne sont-ils pas trop nombreux ?
Un contrôle ponctuel du temps passé chez chaque client par rapport au rapport écrit d’un technicien sur ces visites reste proportionnel. Si vous consultez en permanence les données du système de géolocalisation, vous n’êtes pas sur la bonne voie.
Quatrième vérification : faites-vous preuve de suffisamment de transparence ?
L’introduction d’un système de géolocalisation doit se faire en concertation avec vos travailleurs. Lorsqu’une délégation syndicale est présente dans l’entreprise, elle est l’interlocuteur privilégié.
En tant qu’employeur, vous devrez préciser les raisons pour lesquelles vous mettez ce système en place et quand il sera activé. Vous devrez également informer vos travailleurs de leurs droits. Vous pouvez régler tous ces points dans votre règlement en matière de géolocalisation.
Notre conseil
Si vous utilisez un système track & trace ou que vous souhaitez en introduire un dans votre entreprise, il doit respecter les quatre principes fondamentaux.
Par ailleurs, n’oubliez pas de prendre les mesures de sécurité techniques et d’intégrer le système dans le registre des activités de traitement. Dans le cas contraire, l’APD peut non seulement vous sanctionner, mais l’utilisation des données de localisation peut également être utilisée comme preuve devant les tribunaux du travail.
Que fait Securex pour vous ?
Pour toute question supplémentaire à ce sujet, n’hésitez pas à contacter votre Securex Legal Advisor à l’adresse myHR@securex.be.
Sources
- Autorité de protection des données, décision quant au fond 15/2023 du 21 février 2023, plainte pour utilisation abusive d’un système de géolocalisation
- Avis n° 2005/12 du 7 septembre 2005 de la Commission de la protection de la vie privée (aujourd’hui : APD)
- Site web de l’Autorité de protection des données