Interdiction de principe
La conclusion d'un contrat de travail implique la réalisation de prestations par un travailleur contre rémunération et sous l'autorité d'un employeur. Le travailleur exerce dès lors ses fonctions sous la direction et la surveillance de l’employeur, qui lui donne des instructions concernant le travail à exécuter. En principe, cette autorité patronale n’est pas transférable.
L'activité par laquelle une entreprise ou une personne physique met les travailleurs engagés au service des tiers qui les utiliseront et qui exerceront sur eux une partie de l'autorité normalement exercée par l'employeur est dès lors interdite.
La notion d'exercice de l'autorité est donc capitale pour distinguer une mise à disposition de ce qui n'en est pas.
Notion d'"exercice d'une autorité"
L'"exercice d'une autorité" implique le pouvoir, dans le chef de l’employeur, de donner des ordres et des instructions concernant le travail à exécuter. Il implique également un pouvoir de direction et de surveillance des travailleurs. Ce pouvoir ne doit toutefois pas être exercé de manière effective et permanente.
L'exercice de l'autorité patronale est une notion très vaste et plutôt vague, ce qui donne lieu à bien des discussions en pratique. Il n'existe en effet aucune définition légale de ce qu'il y a lieu d'entendre par "exercice de l'autorité patronale". En 2002, il a bien été précisé dans la loi ce qu'il ne fallait pas entendre par exercice d'une autorité mais, cet assouplissement ayant généré des abus, la législation a à nouveau été renforcée et des conditions plus strictes ont été introduites.
Absence d'exercice d'une autorité
La loi dispose expressément que le respect par l'entreprise utilisatrice des obligations qui lui sont imposées en matière de bien-être au travail n’est pas considéré comme l'exercice d'une part quelconque de l'autorité de l'employeur.
Le but de cette disposition est de permettre l'occupation en toute sécurité de travailleurs auprès d’utilisateurs. Ainsi, l'entreprise utilisatrice peut contraindre les travailleurs d'un autre employeur à porter un casque sur ses chantiers. Cette instruction ne sera pas considérée comme l’exercice d’une part quelconque de l'autorité de l'employeur et ne donnera pas lieu à une mise à disposition interdite.
Outre les instructions qui peuvent être données par l'entreprise utilisatrice en matière de bien-être au travail, d'autres instructions peuvent être données aux travailleurs dans le cadre de l'exécution du contrat de travail conclu entre l'employeur et l'entreprise utilisatrice, pour autant que les conditions suivantes soient cumulativement satisfaites :
- Les instructions doivent être données aux travailleurs dans le cadre d'une convention écrite (de sous-traitance) entre le tiers et l'employeur, relative à une mission ou un projet spécifique.
- Ce contrat doit mentionner expressément et de manière détaillée quelles sont précisément les instructions qui peuvent être données par le tiers-utilisateur aux travailleurs de l'employeur. De plus, ces instructions doivent avoir pour but la réalisation, en bonne et due forme, d'une mission ou d'un projet spécifique.
- Le droit du tiers-utilisateur de donner des instructions aux travailleurs ne peut en aucune manière porter atteinte à l'autorité de l'employeur (ainsi, les instructions en matière de prise de vacances, d'avertissement en cas de maladie, ... ne peuvent être données au tiers).
- L'exécution effective du contrat de travail conclu entre le tiers et l'employeur doit correspondre entièrement aux dispositions expresses de la convention écrite susmentionnée
L'exposé des motifs mentionne toutefois la possibilité d'adapter ou de compléter le contrat lorsque, par exemple, il s'avère en pratique que pour l'exécution de son travail, le travailleur devrait pouvoir recevoir d'autres instructions liées à la mission que celles mentionnées dans le contrat.
Exercice d'une autorité
La loi prévoit expressément qu’il est bien question d’exercice d’une autorité si des instructions sont données :
- Soit en l’absence d’un contrat écrit entre l’entreprise utilisatrice et l’employeur
- Soit lorsque le contrat conclu entre l’entreprise utilisatrice et l’employeur n’est pas complet, selon les conditions cumulatives susmentionnées
- Soit lorsque l’exécution effective du contrat ne correspond pas entièrement aux dispositions expresses du contrat
En outre, il est généralement admis que ce qui suit est considéré comme l’exercice d’une autorité et, en d’autres termes, ne peut être cédé à l’utilisateur :
- L'engagement d'un travailleur
- Le cas échéant, la demande d'une autorisation d'occupation
- Les négociations relatives au package salarial du travailleur
- Le planning de carrière d'un travailleur et les négociations relatives à une promotion
- Le paiement de la rémunération
- Le paiement et les retenues des cotisations ONSS
- La détermination de la nature des activités
- La détermination des conditions de travail (à l'exception des conditions de travail relatives à l'exécution du travail convenu, qui peuvent être cédées à un tiers)
- La constatation de la suspension du contrat de travail
- La décision de rupture du contrat
- Les éventuelles sanctions qui peuvent être imposées à un travailleur
Exercice d'une autorité - une question de fait
En cas de discussion, la présence d'un exercice d'une autorité est une question de fait subordonnée au pouvoir d'appréciation souverain du juge.
Lors de la vérification de l'exercice d'une autorité, le juge ne se basera jamais sur un élément unique, mais tiendra compte des différents éléments de fait d'un dossier pour décider si un rapport d'autorité est ou non intervenu.
Plus il y a d'éléments de la liste ci-dessous dans un cas concret, plus grande sera la probabilité que le juge estimera qu'il est question d'une mise à disposition - en principe interdite - de travailleurs.
Jusqu’à présent, les éléments de fait suivants ont surtout été pris en considération :
- Le fait de travailler conformément à la durée du travail et exactement aux mêmes heures que les autres travailleurs de l'entreprise
- Le paiement d'une rémunération fixe par l'utilisateur
- La sélection des travailleurs et la détermination de leur rémunération par l'utilisateur
- L'obligation d'assister à des réunions, à des formations ou à des meetings avec le personnel de l'utilisateur
- L'obligation de pointer avec les mêmes badges que le personnel de l'utilisateur
- Le même droit d'accès aux locaux du lieu de travail, même si aucune tâche ne doit y être effectuée
- Le port des mêmes vêtements de travail (avec le nom et le logo de l'utilisateur)
- L'obligation de demander les jours de congé et l'avertissement de l'utilisateur en cas de maladie
- L'obligation de faire rapport concernant les activités fournies à l'utilisateur
- L'utilisation de l'infrastructure de l'entreprise (p.ex., le restaurant d'entreprise, les douches,...)
- L'utilisation de cartes de visite mentionnant le nom de l'entreprise, la même structure pour les adresses mail, les mêmes bureaux
- La participation aux fêtes du personnel, la mention dans l'organigramme de l'utilisateur, etc...
Le renforcement de la loi a pour conséquence que les tribunaux doivent dans un premier temps vérifier si un contrat valide a été adopté entre l’entreprise utilisatrice et l’employeur et, le cas échéant, si l'exécution effective de l'accord correspond à ce qui a été inclus dans l'accord.
Avertissement
Certaines fédérations patronales mettent régulièrement en garde contre les pratiques frauduleuses de mise à disposition interdite et de dumping social de certaines sociétés. Par exemple, celles-ci envoient des mails dans lesquels elles proposent des formules pour diminuer vos coûts et augmenter votre bénéfice… Méfiez-vous des prix anormalement bas.