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Peut-on conclure des CDD successifs ?

La loi relative aux contrats de travail pose le principe de l’interdiction de la succession des CDD.

Dernière mise à jour le 25 janvier 2024

Principe : interdiction

La loi relative aux contrats de travail pose le principe de l’interdiction de la succession des CDD. Le législateur a ainsi voulu empêcher l’employeur d’échapper à l’obligation d’assortir la rupture du contrat de travail soit d’un préavis, soit d’une indemnité compensatoire en concluant une série de CDD jusqu’au moment où il n’a plus besoin du travailleur.

Exception 1 : raisons légitimes

Quelles sont les raisons légitimes ?

L'article 10 de la loi du 3 juillet 1978 autorise les parties à conclure des CDD successifs lorsque la succession entre les contrats découle d’un fait attribuable au travailleur, de la nature du travail ou de raisons légitimes inhérentes à l’entreprise. Par exemple, comme mentionné dans les travaux préparatoires de la loi, l'intérêt du travailleur, les circonstances économiques défavorables dans lesquelles se trouve l'entreprise, l'usage du secteur (l'industrie textile ou les entreprises de spectacle), les contrats saisonniers. Ou encore le remplacement d’un travailleur malade ou de plusieurs absences consécutives de différents travailleurs en incapacité de travail.

L'employeur devra cependant être en mesure de prouver la nécessité de conclure de tels contrats et l’absence de volonté, dans son chef, d’échapper aux règles applicables aux contrats de travail à durée indéterminée, plus particulièrement celles qui concernent le respect des délais de préavis.

Appréciation du juge

Les raisons légitimes qui peuvent justifier la succession des contrats sont d'ordre divers, c’est pourquoi les cours et tribunaux sont régulièrement sollicités pour apprécier l'application de cette exception.

Une raison souvent invoquée devant les cours et tribunaux pour justifier la succession de CDD, est l’incertitude face à laquelle se trouvent certains employeurs de voir leurs subsides / leur financement renouvelés par les autorités compétentes. Cette raison a souvent été qualifiée de justifiée par les cours et tribunaux [1], puisque l'occupation du travailleur est fonction de données que l'employeur ne peut maîtriser.

Toutefois, pour éviter que cet argument soit utilisé à tort et à travers, la Cour du travail de Bruxelles a tenté de recentrer la jurisprudence.

11 CDD, c’est légitime ?

La Cour du travail de Bruxelles a eu à se prononcer sur la question de savoir si le fait de conclure 11 CDD successifs sur une période de 11 ans pouvait se justifier par le caractère incertain de subsides octroyés annuellement à l'employeur [2].

La Cour a rappelé les règles applicables en la matière : les articles de loi dont question ci-dessus, ainsi qu'une directive européenne sur le travail à durée déterminée [3]. Elle a rappelé que les exceptions au principe de l'interdiction de conclure des CDD successifs devaient être interprétées de manière restrictive.

Elle n'a pas vu, dans le cas qui lui avait été soumis, de raisons objectives suffisantes (liées à la nature du travail ou inhérentes à l'entreprise) permettant à l'employeur de conclure des CDD successifs avec sa travailleuse. Elle a par ailleurs estimé que l'incertitude quant au renouvellement de contrats de service faisait partie des risques propres à l'activité de l'employeur et que la travailleuse ne pouvait être amenée à supporter le risque inhérent à l'entreprise. La circonstance que l'employeur n'aurait qu'un seul client n'y change rien.

Le contrat de travail de la travailleuse a par conséquent été requalifié en contrat à durée indéterminée et l'employeur a été condamné au versement d'une indemnité de rupture.

Exception 2 : CDD successifs

L'article 10 bis de la loi du 3 juillet 1978 déroge, quant à lui, de deux manières à l’interdiction de la succession des CDD :

  • Les parties peuvent conclure, sans devoir demander au préalable une autorisation, des contrats successifs dont la durée minimale par contrat est de 3 mois, à raison d’un maximum de 4 contrats et d’une durée totale maximale de 2 ans. 
  • Moyennant l'autorisation du Contrôle des lois sociales, l’employeur peut conclure des contrats successifs d’une durée minimale de 6 mois par contrat, à raison d’un maximum de 6 contrats et d’une durée totale maximale de 3 ans [4]. Vous trouvez un modèle de demande d'autorisation dans la section de téléchargement de cette page.

Tableau récapitulatif

Principe

Interdiction

Exceptions

Fait attribuable au travailleur, nature du travail ou raisons légitimes inhérentes à l’entreprise
Avec autorisation préalable du Contrôle des lois sociales

Durée minimale de 6 mois par contrat

Maximum 6 contrats

Durée totale maximale de 3 ans

Sans autorisation préalable

Durée minimale de 3 mois par contrat

Maximum 4 contrats

Durée totale maximale de 2 ans

Succession alternée de CDD et/ou de CTND et de contrats de remplacement

Par le passé, certains employeurs détournaient l’interdiction des CDD successifs en alternant ceux-ci avec un contrat de remplacement. Cette alternance n'était en effet pas explicitement interdite par la loi.

La loi a désormais limité ce procédé à deux ans.

[1] C. trav. Liège, 20 novembre 2000, C. trav. Liège (Namur) 14 octobre 2004, C. trav. Liège (Liège) 25 mars 2011.

[2] C. trav. Bruxelles, 3 avril 2008. Il s'agissait en l'occurrence d'une ASBL qui effectuait des tâches pour la Commission européenne (voir également C. trav. Bruxelles, 26 mai 2009).

[3] Il s'agit de la Directive 1999/70/CE.

[4] Dans sa demande d'autorisation, l'employeur indiquera les raisons qui justifient la conclusion de contrats à durée déterminée successifs. Vous trouvez un formulaire-type en cliquant ici.

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