Evaluation des risques
En collaboration avec le médecin du travail [1] et le service pour la prévention et la protection au travail, l’employeur a l’obligation d’évaluer les postes de travail qui peuvent comporter un risque pour la santé d’une femme enceinte ou allaitante et nécessitent la prise de mesures d’adaptation ou d’écartement du poste de travail.
Cette évaluation doit être effectuée dès qu'une travailleuse est occupée dans l'entreprise, et ce qu'elle soit enceinte ou non.
Il s’agit de recenser toute activité susceptible de présenter un risque spécifique en raison d’une exposition à des agents, à des procédés industriels ou encore en raison des conditions de travail [2] et, par la suite, d’évaluer la nature, le degré et la durée de cette exposition aux risques. Ceci permettra de déterminer les mesures générales à prendre pour garantir la santé et la sécurité de la travailleuse et de son enfant.
Les résultats de l'évaluation et les mesures générales à prendre doivent être consignés dans un document écrit. Ce document doit être soumis à l'avis du Comité pour la prévention et la protection au travail ou, à défaut, de la délégation syndicale et être mis à la disposition de la Direction générale Contrôle du bien-être au travail.
L'employeur doit également informer toutes les travailleuses des résultats de cette évaluation et de toutes les mesures à prendre en cas de grossesse et d'allaitement.
Mesures particulières de prévention à prendre par l'employeur
Lorsqu’un risque [3] a été constaté suite à l'évaluation et après que la travailleuse a informé son employeur de son état de grossesse, l’employeur doit immédiatement et à ses frais, sur proposition du médecin du travail et eu égard à la situation spécifique de chaque travailleuse concernée, prendre l’une des mesures proposées dans l'ordre hiérarchique suivant :
- Aménager provisoirement les conditions de travail ou du temps de travail à risque
- Si un tel aménagement provisoire n’est pas techniquement ou objectivement possible ou ne peut raisonnablement être exigé pour des motifs dûment justifiés, faire en sorte que la travailleuse concernée puisse effectuer un autre travail compatible avec son état [4]
- Si un tel changement de poste de travail n’est pas techniquement ou objectivement possible ou ne peut raisonnablement être exigé pour des motifs dûment justifiés, il faut alors suspendre totalement ou partiellement l’exécution du contrat [5]. C’est ce qu’on appelle le congé prophylactique. Depuis le 1er mars 2020, cette période de suspension complète du contrat est assimilée à du travail effectif et n'affecte donc pas le transfert du repos prénatal après la fin du repos postnatal. Les jours de congé prophylactique peuvent donc être pris en compte pour la prolongation du congé postnatal.
L’une de ces mesures peut également être appliquée lorsque la travailleuse invoque une maladie ou un danger en rapport avec son état, susceptible d’être attribué à son travail, si le médecin du travail à qui elle s’adresse constate un risque spécifique.
Lorsque le médecin du travail, après examen de la travailleuse enceinte, rédige une déclaration d'inaptitude et considère que la travailleuse enceinte ne peut plus ou ne peut pas exercer l'activité sans risque pour sa santé et celle de son enfant, celle-ci peut contester et entamer une procédure de recours contre la déclaration d'inaptitude [6]. Le recours n'est pas suspensif de la décision du médecin du travail. Concrètement, cela signifie que la décision du médecin du travail reste en vigueur et que la travailleuse continue à être inapte pendant la durée de la procédure. Attention ! Il n'existe un recours que contre une décision d'inaptitude. La travailleuse qui ne serait pas déclarée inapte et devrait continuer à travailler ne bénéficie quant à elle d'aucun recours.
Reprise du travail
Les travailleuses qui ont fait l’objet d’une de ces mesures doivent être occupées à nouveau dans les conditions de travail initiales convenues. Elles doivent cependant être soumises à un examen médical dès que possible, et au plus tard dans les 10 jours de la reprise du travail.
A l'occasion de cet examen médical, le médecin du travail peut proposer que l'une de ces mesures soit encore prise s'il constate qu'il existe toujours un risque pour la sécurité et la santé de la travailleuse ou de l'enfant.
Interdictions spécifiques
Heures supplémentaires
L’employeur ne peut demander à la travailleuse enceinte de prester des heures supplémentaires.
Travail de nuit
De même, la travailleuse enceinte ne peut être tenue [7] d’accomplir un travail de nuit (travail entre 20 heures et 6 heures) :
- Pendant une période de 8 semaines avant la date présumée de l’accouchement
- Sur présentation d’un certificat médical qui atteste la nécessité pour la sécurité ou la santé de la travailleuse ou la santé de l’enfant pendant toutes les autres périodes se situant au cours de la grossesse et pendant une période de 4 semaines au maximum suivant immédiatement la fin du congé postnatal
Dans ces circonstances, l’employeur doit transférer la travailleuse à un travail de jour ou suspendre totalement ou partiellement l’exécution du contrat si un tel transfert n'est pas techniquement ou objectivement possible ou ne peut raisonnablement être exigé pour des motifs dûment justifiés. A partir de la 6e (ou 8e) semaine [8] avant la date présumée de l'accouchement, la travailleuse est tenue de commencer son congé de maternité.
La convention collective de travail n° 46 [9] prévoit de manière plus large que la travailleuse enceinte a le droit, pour autant qu'elle en fasse la demande par écrit, de solliciter un travail de jour pendant une période d'au moins 3 mois avant la date présumée de l'accouchement et d'au moins trois mois après la naissance d'un enfant. Sur présentation d'un certificat médical qui en atteste la nécessité pour la sécurité ou la santé de la travailleuse ou de son enfant, il est également possible de demander sans limite de temps un travail de jour après les trois mois qui suivent l'accouchement.
Les travailleuses qui ont fait l’objet d’une de ces mesures doivent être occupées à nouveau dans les conditions de travail initiales convenues. Elles doivent cependant être soumises à un examen médical dès que possible, et au plus tard dans les 10 jours de la reprise du travail.
[1] ou en collaboration avec un autre médecin pour les employeurs de travailleurs domestiques et gens de maison.
[2] Une liste exemplative des risques à évaluer figure à l’annexe I de l’arrêté royal du 2 mai 1995, Moniteur belge du 18 mai 1995. Citons par exemple les agents physiques (chocs, radiations, manutention manuelle de charges comportant des risques), les agents biologiques, les agents chimiques (pesticides, oxyde de carbone). Par conditions de travail, sont visés les travaux manuels de terrassement, de fouille et d’excavation du sol, les travaux manuels effectués dans des atmosphères de surpression et les travaux souterrains miniers.
[3] Ces risques sont énumérés limitativement dans l’annexe II de l’arrêté royal du 2 mai 1995, Moniteur belge du 18 mai 1995 et notamment la manutention manuelle des charges pendant les 3 derniers mois de grossesse et les 9e et 10e semaine qui suivent l'accouchement.
[4] La travailleuse a droit à la rémunération qui correspond à sa nouvelle fonction. Si la rémunération est inférieure à sa rémunération antérieure, elle percevra une indemnité de maternité complémentaire.
[5] Le formulaire d'évaluation de santé est nécessaire pour suspendre le contrat de travail.
[6] Arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs.
[7] Elle peut toutefois continuer à travailler la nuit de manière volontaire.
[8] Dans le texte légal, il est question de la 7e semaine (ou 9e en cas de jumeaux). Ceci est le résultat d'un oubli du législateur lors du changement de la durée du congé prénatal (de 7 à 6 semaines) en 2004.
[9] Cette CCT ne s'applique toutefois pas aux travailleurs non visés par la loi du 5 décembre 1968 ni aux travailleurs dont les prestations se situent exclusivement entre 6 et 24 heures ou débutent habituellement à partir de 5 heures.