Interdiction de licencier
La loi prévoit que l’employeur qui occupe une travailleuse enceinte ne peut mettre fin au contrat de travail à partir du moment où il a été informé de l’état de grossesse jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois prenant cours à la fin du congé postnatal.
Lorsque la travailleuse opte pour une reprise progressive du travail, la protection contre le licenciement est prolongée (voyez ci-après).
Cette interdiction de licencier n’est cependant pas absolue. En effet, l’employeur peut licencier une telle travailleuse pour des motifs totalement étrangers à l’état physique résultant de la grossesse ou de l’accouchement (exemples : motif grave, motif d’ordre économique, comportement fautif de la travailleuse, …).
Preuve des motifs et obligation de motivation
C’est toujours à l’employeur qu’incombe la preuve de ces motifs. Cette preuve sera toutefois difficile à apporter vu que les tribunaux sont particulièrement exigeants quant à l’existence et au caractère sérieux de tels motifs.
A la demande de la travailleuse, l'employeur doit lui en donner connaissance par écrit.
Interdiction de prendre des mesures préparatoires en vue d’un licenciement
Depuis le 10 novembre 2022, le licenciement donné après la période de protection contre le licenciement mais qui a été préparé pendant cette période est officiellement assimilé à un licenciement donné pendant la période de protection. Ce faisant, le législateur a suivi la jurisprudence de la Cour de Justice [1].
La prise de la décision de licencier est considérée comme un acte préparatoire. Un autre exemple est le fait de publier une annonce pour un emploi à durée indéterminée en prévision du remplacement définitif de la travailleuse en raison de sa grossesse ou de la naissance de son enfant.
Preuve des motifs et obligation de motivation
Il appartient, le cas échéant, à l’employeur de prouver que le licenciement de la travailleuse qui a eu lieu à l’issue de la période de protection mais qui a été préparé pendant cette période, n’a rien à voir avec la grossesse ou l'accouchement.
A la demande de la travailleuse, l’employeur l’informe par écrit de ces motifs.
Application de la protection contre le licenciement
Cette interdiction est d’application pour tous les types de contrat. Elle est également d'application en cas de naissance d'un enfant mort-né survenant après 180 jours de grossesse. Ceci implique qu'elle disparaît en cas de fausse couche survenant avant le 180ième jour de grossesse.
Elle n'est, en revanche, pas d'application en cas de rupture du contrat pour force majeure, rupture de commun accord, expiration du terme dans un contrat à durée déterminée et achèvement du travail dans un contrat pour travail nettement défini.
Durée de la protection
Début de la protection
La protection de la travailleuse enceinte contre le licenciement prend cours dès l’instant où l’employeur est informé de cet état. La jurisprudence interprète les termes “être informé” de manière très large, puisqu’elle considère qu’il suffit que l’employeur soit au courant de la grossesse de quelque manière que ce soit : l’employeur est informé personnellement par la travailleuse enceinte (oralement ou par écrit), il l’apprend d’un autre travailleur, ou encore il lui est impossible de ne pas le remarquer (signes extérieurs évidents).
L’information ne doit donc pas venir nécessairement de la travailleuse elle-même et un certificat médical n’est pas une condition absolue pour faire débuter la période de protection.
En cas de contestation, il appartient à la travailleuse de prouver que l’employeur a été “informé” de son état de grossesse.
Fin de la période de protection
La protection prend fin un mois après la fin du congé de maternité, c'est-à-dire un mois après la fin du congé postnatal obligatoire éventuellement prolongé du congé prénatal facultatif reporté, des deux semaines en cas de naissance multiple, de la semaine en cas d’incapacité de travail pendant toute la période du congé prénatal et des jours d'hospitalisation du nouveau-né.
Lorsque la travailleuse opte pour une reprise progressive du travail, la protection contre le licenciement est prolongée. L'employeur ne pourra donc licencier la travailleuse jusqu'à l'expiration d'une période d'un mois suivant les huit semaines au cours desquelles la travailleuse peut prendre ses jours de congé postnatal.
Si l’employeur licencie une travailleuse avant ou pendant les huit semaines au cours desquelles elle peut prendre reprendre progressivement le travail, le délai de préavis sera suspendu pendant toute la durée des huit semaines.
Il faut entendre par mois, une période débutant le jour suivant le dernier jour de congé de maternité et se terminant la veille du mois suivant (5 juillet - 4 août, 1er janvier - 31 janvier, 1er février – 28 ou 29 février).
Le délai de protection est un délai fixe qui n’est pas prolongé par la survenance d’une période de suspension (maladie, vacances annuelles, congé sans solde, congé prophylactique…) survenant immédiatement après la fin du congé de maternité.
Attention toutefois aux suspensions du contrat de travail pour lesquelles il existe aussi une protection contre le licenciement (telles que le crédit-temps, le congé parental, les pauses d'allaitement). Dans ce cas, cette protection spécifique prendra le relais.
Indemnité de protection
Si l’employeur licencie la travailleuse sans pouvoir invoquer un motif valable, il est redevable d’une indemnité forfaitaire de six mois de rémunération, sans préjudice des indemnités dues à la travailleuse en cas de rupture du contrat [2].
Cette indemnité n’est pas cumulable avec
- L’indemnité pour licenciement abusif des ouvriers
- L’indemnisation pour licenciement manifestement déraisonnable
- L'indemnité de protection dans le cadre de l'interruption de carrière, du crédit-temps et des congés thématiques (congé parental [3], congé pour soins palliatifs et congé pour maladie grave d'un proche)
- L'indemnité de protection dans le cadre des pauses d'allaitement
Même si la question est controversée, il semble que cette indemnité de protection soit cumulable avec l'indemnité de protection des délégués et candidats délégués des travailleurs au conseil d'entreprise et au comité pour la prévention et la protection du travail.
Aucune cotisation de sécurité sociale n’est due sur l’indemnité de protection payée à une travailleuse enceinte. Par contre, un précompte professionnel doit être retenu sur cette indemnité qui est considérée, à ce niveau, comme une indemnité de dédit.
Autres mesures de protection
Une nouvelle mesure de protection liée au non-renouvellement d’un contrat pour l’exécution d’un travail temporaire ou à durée déterminée a été introduite (voyez ci-après).
Signalons que la travailleuse pourra également recourir à la protection dans le cadre de la loi anti-discrimination du 10 mai 2007.
Non-renouvellement d’un contrat pour l’exécution d’un travail temporaire ou à durée déterminée
Depuis le 10 novembre 2022, lorsque la travailleuse dont l’employeur est informé de la grossesse ou de l’accouchement, voit son contrat de travail pour l’exécution d’un travail temporaire ou son contrat de travail à durée déterminée non renouvelé, ce non-renouvellement est présumé être lié à la grossesse ou à l’accouchement.
A la demande de la travailleuse, l’employeur lui donne connaissance par écrit des motifs du non-renouvellement. L’employeur doit prouver que le non-renouvellement du contrat de travail est étranger à la grossesse ou à l’accouchement.
Si ce n’est pas le cas, ou à défaut de motif, l’employeur est redevable d’une indemnité forfaitaire égale à la rémunération brute de trois mois.
L’utilisateur d’une travailleuse intérimaire est considéré comme l’employeur pour l’application de cette mesure de protection.
Les travailleuses engagées dans le cadre d’un flexi-job ne bénéficient pas de la protection prévue en cas de non-renouvellement de la relation de travail pour ce qui concerne le contrat-cadre conclu avant la première occupation flexi-job. Ce contrat-cadre n’est en effet lui-même pas un contrat de travail.
Cette protection s’applique aussi en cas conversion du congé de maternité.
Dans cette situation également, la travailleuse pourra recourir à la protection dans le cadre de la loi anti-discrimination du 10 mai 2007.
[1] Cour de Justice, 11 octobre 2007 (à consulter sur http://eur-lex.europa.eu).
[2] L'indemnité de rupture est toujours égale à la rémunération en cours correspondant à la durée complète du préavis, et ce même si la travailleuse a déjà presté une partie du préavis (article 39§1 de la loi du 3 juillet 1978).
[3] Sur la base de l'arrêté royal du 29 octobre 1997 et de la CCT n°64.