Principe
Pour que le travailleur puisse continuer à pourvoir à son entretien et à celui de sa famille, le législateur a fixé des limites aux revenus qu'un créancier peut saisir ou dont il peut demander la cession. Il est dès lors de la plus grande importance de donner aux revenus que perçoit le travailleur leur qualification correcte.
Revenus du travail
La rémunération du travailleur est en partie protégée d'une saisie ou d'une cession. Les autres revenus découlant du contrat de travail ne le sont pas et peuvent dès lors, en totalité, être saisis ou cédés. Il est par conséquent primordial de bien cerner les contours de la notion de "rémunération" dans le cadre de cette réglementation sur la saisie et la cession de rémunération. De fait, plus la définition de la rémunération est large, moins le créancier a la possibilité de saisir ou de se faire céder en totalité les revenus du travailleur.
Sous la notion de rémunération
La rémunération du travailleur [1] représente toutes les sommes qui lui sont payées en exécution d'un contrat de travail, d'un contrat d'apprentissage, d'un statut ou d'un abonnement.
Cette rémunération ne recouvre pas seulement le salaire proprement dit, éventuellement augmenté de commissions, mais aussi les avantages de toute nature, les pourboires, la prime de fin d'année, le simple et double pécule de vacances et d'autres primes.
Les warrants tombent aussi sous la notion de rémunération. Ceux-ci tombent sous le champ de la loi du 26 mars 1999. Etant donné que la loi relative à la protection de la rémunération exclut explicitement de la notion de rémunération uniquement les participations aux bénéfices (en faisant référence à la loi du 22 mai 2001), le raisonnement a contrario selon lequel les warrants tombent sous la notion de rémunération est possible (voyez les infos ci-dessous sur les participations aux bénéfices).
Il y a lieu d'y inclure également l'indemnité d'éviction, les indemnités de protection et les indemnités de rupture.
La doctrine majoritaire considère l'indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable comme des dommages et intérêts, et donc comme un montant qui n'est pas versé dans le cadre du contrat de travail. Cette indemnité peut, par conséquent, faire l'objet d'une saisie ou d'une cession dans sa totalité.
Hors rémunération
Les libéralités sont exclues de cette notion de rémunération et sont donc intégralement saisissables et cessibles. Il s'agit entre autres des :
- Pécules de vacances exceptionnels
- Primes de mariage
- Bourses d'études
- Aides exceptionnelles en cas d'accident ou de maladie
- Primes exceptionnelles à l'occasion d'une fête
- …
En pratique, il est toutefois rare qu'un employeur consente ainsi une libéralité à un travailleur dont la rémunération est saisie.
Les indemnités de frais que l'employeur verse au travailleur en remboursement de frais qui lui sont propres ne sont pas non plus de la rémunération et sont donc saisissables et cessibles en totalité.
En ce qui concerne le bonus salarial (avantages non-récurrents liés aux résultats), il est expressément qu'il n'est pas considéré comme de la rémunération. Il est donc entièrement saisissable et cessible.
Les compléments aux indemnités de sécurité sociale (allocations familiales extra-légales, garantie du net en cas d'incapacité ou d'accident, …) ne sont pas non plus considérés comme de la rémunération et peuvent donc faire l'objet d'une saisie ou d'une cession dans leur totalité.
Les participations aux bénéfices (au sens de la loi du 22 mai 2001) ne sont pas considérées comme de la rémunération et peuvent entièrement être saisies ou cédées.
Bien que les titres-repas ne sont pas considérés comme de la rémunération lorsqu'ils répondent à toutes les conditions pour être exonérés des cotisations sociales et d'impôt, le législateur a prévu expressément qu'ils ne sont pas susceptibles d'être saisis, même pas par le créancier alimentaire (article 1409 du Code judiciaire).
Cas limites
A la question de savoir si certains avantages salariaux (éco-chèques, assurance de groupe, indemnité octroyée dans le cadre de la législation sur le bien-être au travail, etc.) sont ou non protégés, il n'existe toujours pas de réponse unanime. Selon certains, il ne s'agit pas là d'une somme d'argent que le travailleur perçoit et il n'y a donc pas là matière à saisie. D'autres soutiennent au contraire que ces avantages sont évaluables en argent et qu'ils peuvent dès lors (partiellement) faire l'objet d'une saisie ou d'une cession. La Cour de Cassation penche plutôt du côté de cette deuxième interprétation. La valeur de l'avantage doit dans ce cas être ajoutée à la rémunération nette du travailleur afin de calculer la partie saisissable/cessible.
Remarque : en cas de contestation entre le créancier et le travailleur sur la question de savoir si certain(e)s indemnités/avantages doivent être considéré(e)s comme de la rémunération, l'employeur doit appliquer la méthode de calcul la moins avantageuse pour le travailleur et verser le montant faisant l'objet de la contestation sur un compte bloqué en attendant la décision du tribunal.
Revenus de remplacement
Outre la rémunération, les revenus de remplacement sont eux aussi en partie saisissables et cessibles. Citons :
- Les pensions et provisions alimentaires attribuées par décision judiciaire
- Les pensions allouées après divorce à l'époux non coupable
- Les pensions
- Les allocations de chômage et celles payées par un fonds de sécurité d'existence
- Les indemnités pour incapacité de travail et les indemnités d'invalidité
- Les indemnités, rentes et allocations payées à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle
- Le pécule de vacances payé conformément à la législation relative à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés
- Les indemnités de milice
- Les indemnités allouées en cas d'interruption de la carrière professionnelle
N'entrent pas en ligne de compte
Ne sont en aucun cas saisissables ou cessibles :
- Les allocations familiales
- Les pensions et rentes d'orphelins
- Les allocations payées aux personnes handicapées
- Les indemnités payées dans le cadre de l'assurance des accidents du travail et qui servent à procurer l'assistance d'une tierce personne à la victime d'un tel accident du travail
- Le revenu garanti ou la garantie de revenus aux personnes âgées
- Le revenu d’intégration
- Les sommes payées à titre d'aide sociale
- Les indemnités afférentes à des prothèses, à des dispositifs médicaux et à des implants
[1] Les personnes qui, autrement qu'en vertu d'un contrat de louage de travail, fournissent contre rémunération des prestations de travail sous l'autorité d'une autre personne, sont assimilées à des travailleurs pour l'application de cette réglementation.